2024 s’annonce comme une année moyenne pour les immatriculations de véhicules de + de 3,5 t en Europe (y compris la Grande-Bretagne). En glissement sur 12 mois, à septembre 2024, elles représentent 389 889 véhicules, soit un recul de 5,9 % par rapport à la même période en 2023. Cependant, sur les cinq dernières années, elles restent au-dessus de la moyenne de 7,7 %.
« Le marché des VI au 2ème semestre en Europe et en France s’est ralenti, même si celui des porteurs est à la hausse. L’économie européenne et française ralentit, avec une baisse des carnets de commandes et l’absence d’amortissement par les délais de livraison. Les incertitudes économiques, fiscales et les nouvelles réglementations pour 2025 retardent les décisions d’investissement, générant de l’attentisme. 2025 et 2026 sont prévues comme des années tendues pour le marché du neuf et de l’occasion. » déclare Arnaud Villéger, Directeur de l’Observatoire du Véhicule Industriel.
L’année 2024, bonne à moyenne en Europe
Selon les pays, l’Allemagne présente un profil similaire à celui de l’Europe, avec 89 561 immatriculations sur 12 mois (-7% VS 2023). Le 3ème trimestre 2024 est également en net ralentissement par rapport aux trois trimestres précédents.
La Grande-Bretagne, après un creux en 2020, a repris du volume avec 53 036 immats (- 0,6 % VS 2023). Elle reste très au-dessus de sa moyenne à cinq ans à + 9,9 %.
L’Espagne poursuit son redémarrage depuis 2020 avec 31 114 immatriculations (+13,7 % sur douze mois), et surtout un +33,2 % par rapport à la moyenne des cinq dernières années.
L’Italie suit l’Espagne, mais dans une moindre mesure. Avec 29 283 unités, elle enregistre une hausse de 2,6 % par rapport à 2023.
En revanche, l’Europe de l’Est subit un coup d’arrêt brutal, avec un recul de 25,7 %, passant de 82 802 immatriculations à 66 719 en un an. La Pologne subit le même coup d’arrêt, passant de 35 472 unités à 29 881, soit un recul de 15,8 %.
Un marché français imprévisible
Avec un total de 45 375 immatriculations sur les 11 premiers mois de 2024, le marché du VI reste soutenu (+1,8% VS 2023). Même si les reports de livraison de 2023 sur 2024 comptent dans ces résultats. Cependant, les variations mensuelles indiquent que le marché est chahuté.
À fin juin, l’OVI constatait un volume élevé d’immatriculations (27 723), décorrélé des marchés consommateurs de VI comme le Transport et le BTP. La nouvelle législation sur la sécurité des véhicules GSR II et l’augmentation des prix des véhicules expliquant cela.
En 2024, les porteurs performent avec 21 769 unités sur 11 mois (+16,6 % en un an). Ils soutiennent le marché en septembre et octobre, avec 3 938 véhicules immatriculés en deux mois, un résultat proche de ceux de 2018/2019. A l’inverse, les tracteurs avec un recul de 9 % des immats (23 606), illustrent les difficultés des secteurs du Transport et du BTP.
Le diesel reste majoritaire
Coté énergies, le diesel représente encore près de 90% des immatriculations des VI > 5,1t. Le B100 exclusif a bénéficié de son classement en Crit’air 1 en avril 2022 (5,6% des immatriculations), ce qui représente plus de 2 700 unités. Avec 670 immatriculations, l’électrique ne représente encore que 1,4% des volumes. Le gaz, dont les volumes sont en retrait de 12%, représente 3,2% des volumes, pour 1 260 unités, notamment affecté par le souvenir de la forte volatilité de cette énergie durant la seconde moitié de 2022.
Les immatriculations VUL, après 11 mois en 2024, sont au nombre de 348 563 (+1,6 % VS 2023). La mise en place des réglementations GSR II explique à la fois l’augmentation des immatriculations sur cette période, puis une baisse le temps d’écouler les véhicules pré-immatriculés.
L’occasion
Sept concessionnaires sur dix déclarent une baisse des ventes de tracteurs d’occasion de -30 % environ. Pour les porteurs, la proportion est la même pour une baisse de 28 % en moyenne. Pour les tracteurs, près de 80 % des distributeurs baissent leurs prix de 14 % en moyenne, alors que 20 % arrivent à les maintenir. Les porteurs sont un peu mieux lotis. Pour les VUL, le marché est un peu moins déprimé. Les ventes sont stables avec une variation de + 1,2 %.
L’âge des tracteurs en parc se maintient à cinq ans en moyenne, ce qui est le cas depuis de nombreuses années. En termes de kilométrage, ils ont un peu baissé. 63 % d’entre eux ont moins de 120 000 km/an au compteur alors que la moyenne historique est plutôt autour de 50 %. L’atonie du marché du Transport explique certainement cette baisse. Pour les porteurs, l’âge moyen est de six ans, en légère baisse par rapport à juin dernier où l’on se rapprochait des 7 ans.
L’état des stocks est assez variable selon les concessions. Si pour 43 % des distributeurs interrogés, ils sont normaux, 36 % les considèrent bas et 21 % plutôt hauts. Pour 2025, 79 % des concessions envisagent une stabilité du parc.
Les difficultés de vente des tracteurs VO, en fort recul dans la plupart des concessions, font remonter les délais de vente. Dès le mois de juin dernier, ils sont passés à 68 jours versus 61 jours en décembre 2023. Ils s’établissent actuellement à 69 jours, un peu au-dessus de la moyenne de longue durée. Les délais de revente des porteurs sont encore plus longs. Ils sont de 73 jours alors qu’en juin dernier, ils étaient de 69 jours et de 50 jours en décembre 2023.
2025, l’année de bascule réglementaire
2025 marque une nouvelle étape majeure dans la politique européenne de décarbonation de la mobilité professionnelle. C’est en effet cette année que trois réglementations européennes montent simultanément en puissance, avec des effets induits pour les acquéreurs de véhicules :
- Les véhicules lourds motorisés qui, à partir de 2025, doivent faire l’objet d’une réduction des émissions de CO2 de -15% par rapport à l’année de référence 2019, conformément au règlement (UE) 2019/1242. Cet objectif, propre à chaque constructeur, est mesuré par l’outil de simulation élaboré par la commission européenne : Vehicle Energy Consumption Calculation Tool (VECTO).
- La troisième porte sur l’entrée en vigueur pour la première année pleine de l’outil VECTO TRAILER TOOL pour les remorques et semi-remorques, ouvrant ainsi la voie à une année de référence à l’instar de ce qui a été fait en 2019 pour les véhicules lourds motorisés.
Ces nouvelles réglementations sont assorties de pénalités potentielles importantes, jusqu’à 4 250 euros par gCO2/tkm pour les poids lourds, à partir de 2025. Ces pénalités vont par anticipation impacter le TCO (Total cost of ownership ou coût total de détention) des véhicules neufs et donc pour finir avoir un impact sur les prix.
Pour rappel, VECTO est un logiciel de simulation qui détermine les émissions de CO2 et la consommation de carburant des poids lourds pour des carburants, des charges embarquées et des profils de missions spécifiques (longue distance, livraison régionale, distribution urbaine, etc..), à partir des données relatives aux configurations du véhicule. Les données sur les émissions de CO2 et la consommation de carburant déterminées à l’aide de VECTO ainsi que d’autres paramètres, sont communiquées par les constructeurs à la Commission Européenne et rendues publiques.
Prévisions 2025 de l’OVI : un marché qui se contracte ??

Conclusion
L’année 2024 a été marquée par des avancées significatives dans la décarbonation des véhicules industriels, avec des impacts notables sur le coût total de détention des véhicules. Alors que nous nous tournons vers 2025, les nouvelles réglementations européennes promettent de transformer encore davantage le marché, mettant en avant la nécessité d’innovation et d’adaptation pour les constructeurs et les utilisateurs.
Les prévisions pour 2025 montrent une contraction possible du marché, soulevant des questions cruciales : comment les entreprises vont-elles répondre à ces nouvelles exigences environnementales tout en restant compétitives ?
La transition énergétique des parcs de véhicules industriels est en marche, mais la route vers un avenir durable reste à définir