Alain Robejean est grutier photographe. Pas courant comme profil ! Pourtant, ils sont nombreux à partager leur passion sur les réseaux sociaux. Ainsi, quand il pose ses bagages à Paris et qu’il grimpe dans une 1000 EC-H Liebherr, la plus puissante, Alain dévoile tout son art ! Celui d’un professionnel passionné.
“ Je travaille depuis le début pour une seule et unique entreprise, Spie batignolles Génie Civil. Tout d’abord, comme conducteur d’engins. Puis sur cette machine emblématique de tous les chantiers, la grue à tour. A l’époque un chef me propose de monter en cabine pour voir si j’étais toujours aussi motivé. Rien de tel pour me convaincre de foncer pour devenir grutier. Je passe mon Caces de grutier après avoir eu auparavant celui des chariots télescopiques. Puis ce fut le temps de la formation en binôme”, explique Alain Robejean.
Dans ses premières belles expériences, le jeune grutier participe à la construction de la Porte du Bassin n°10 du Port de Marseille. Il y reste plus de trois années de suite. Et fait ses armes en tant que deuxième opérateur, en alternant conduite d’engins et remplacement sur la grue à tour. Sur une Potain MD310C de 16 t de capacité, 45 m sous crochet et 70 m de flèche. Un beau bébé déjà. Où il apprend à peu près tout ce qu’il faut savoir pour manipuler une grue en toute sécurité.
Vivre l’exceptionnel
Ce n’est pas donné à tout le monde mais Alain a l’opportunité de participer à des chantiers assez hors normes. En premier lieu, le projet ITER à Cadarache. Il devient titulaire en tant que grutier principal sur une Potain MD365B L16. Un must de la gamme du constructeur français, avec ses 75 m de flèche. “ Passer titulaire valorise la fonction et c’est une reconnaissance de ses compétences ”, reprend Alain.
Mais le Graal, il l’obtient en arrivant sur le chantier du Grand Paris, Ligne 14 Sud, celle qui desservira l’aéroport d’Orly. On lui réserve une belle surprise, en lui confiant un modèle d’exception, une grue Liebherr 1 000 ECH-C. “ On a tous rêvé de piloter une telle machine, qui est extrêmement rare sur le marché français. Il faut des projets aussi exceptionnels que celui d’un super métro de 200 kms de long, calé à une cinquantaine de mètres sous la région parisienne pour voir ce type de machine. Ses performances parlent d’eux-mêmes. 40 t de capacité de charge jusqu’à 27 m de portée, et 17 t à 60 m en bout de flèche”, détaille encore Alain.
Cette grue est, à tout point de vue, surdimensionnée. Assez imposante et puissante pour descendre des colis de 22 t, soit 3 voussoirs de tunnels dans des puits à 55 m sous crochet. Tout en les positionnant précisément sur des wagons de trains à pneus. Mais aussi pour approvisionner tous les équipements nécessaires à suivre l’avancement d’un tunnelier. Comme ceux pour allonger des tapis d’extraction des déblais de marinage ou des conduites d’aération.
“ Le Grand Paris est le type de chantier où tout est hors norme et les tâches les plus variées. Le poste du matin est le plus intense, là où toutes les équipes sont mobilisées en surface. Livraisons sur site des voussoirs, chargement des trains sur pneus d’approvisionnement soit en voussoirs et soit en mortier. On est sollicité en permanence
Avoir confiance
Il y a le chef de puits tout en bas dans le trou et celui en surface, avec qui on communique par radio et qui sont les yeux du grutier. A force de travailler ensemble, à l’intonation de la voix, les consignes sont claires. Leur présence est primordiale. Car au fond du puits, les manœuvres sont compliquées, d’autant qu’avec l’avancement des travaux, l’encombrement est plus important et plusieurs étapes et petites rotations de la grue sont nécessaires. La sécurité avant toute chose, c’est une règle en or.
Piloter une grue, c’est une affaire de maîtrise de soi. Autant pour défier le vide et qu’avoir confiance dans des personnes qui vous guident au sol. Il y a bien une supervision en cabine. Avec plusieurs écrans de contrôle sur les états de charge, différents paramètres de conduite Mais aussi des caméras positionnées de telle façon de voir un maximum de choses, mais la communication orale directe reste capitale.
Alors quelles qualités doit posséder un grutier ? Alain répond sans hésiter, la concentration, la patience et la confiance. Et puis aimer être seul. Et sur un ton plus léger, ne pas avoir le vertige. “ Une grue ça vit, ça craque, ça penche, ça gémit, et ça résonne fort dans la cabine. C’est donc une atmosphère qui peut être vite anxiogène si on n’a pas l’habitude. Sans compter qu’il faut être soigneux et attentif pour anticiper les risques de chocs ou autres dégâts qui peuvent vite coûter très chers. Et on ne change les câbles qu’en moyenne 1 fois par an; une usure normale quand vous soulevez 22 t, plus de 20 fois par poste !”, explique Alain.
Photos Passion
Les perspectives et les angles de vue assez exceptionnels que lui procure son poste de grutier lui permettent d’assouvir sa deuxième passion, la photo. Il utilise du beau matos, un boîtier Canon 6D avec différents objectifs à focale fixe, en 16-35 mm et 70-200 mm. Et le résultat est là. Il n’y a qu’à regarder ses clichés publiés dans cet article. Là où l’œil de l’artiste rejoint celui du professionnel !