La « pelle » année

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Crédit Julien Aurouze

La pelle sur chenilles reste LE baromètre incontestable  de la santé de notre secteur. Quand on évoque le produit, on touche d’ailleurs au sacro-saint de la machine de TP, figure emblématique d’un univers en pleine croissance. Et qui tire d’ailleurs en 2021 pas trop mal son épingle du jeu.

Alors pour 2021, qui sont les grands gagnants ? Même si les retards de livraisons auront forcément perturbé certains et joué en faveur d’outsiders, on sait déjà que le marché de la pelle sur chenilles de plus de 12 t aura gagné près de 20 points par rapport à 2020. Rien que ça ! Le Seimat vient de confirmer ces prévisions et donne un marché 2021 à 2 750 pelles sur chenilles de plus de 12 t. Soit près de 500 unités de plus que 2020 (2 313 pelles sur chenilles officiellement livrées). Et fait encore mieux que l’année historique de 2019 à 2 634 exemplaires.

C’est donc une très belle année pour les vendeurs de pelles. Attention toutefois ! Il convent de nuancer ces excellents chiffres par deux remarques liées à l’impact économique (la marge unitaire) en fonction des classes de tonnage :

  • intermat 2024
  • kobelco sk75
  • Le Dig Tour 2024

– d’une part, il y a eu plus de disponibilité sur les pelles lourdes que sur les pelles compactes,

– d’autre part, les contraintes de production d’une pelle de 50 t n’ont rien à voir avec une fabrication à la chaîne de milliers de mini-pelles. Où la logistique d’approvisionnement des composants est devenue une galère sans nom.

Les pneus en stabilité moyenne

Du côté des pelles sur pneus de plus de 11 t, le marché est étale et reste sous la barre symbolique des 1 000 exemplaires à 934 unités précisément. Ce produit qui a vu ses ventes s’envoler en 2019 revient sur un « trend » plus normal. Machine incontournable des travaux urbains, offrant une belle autonomie par sa possibilité de déplacement et une grande polyvalence, depuis la généralisation des tiltrotateurs, la pelle sur pneus reste un investissement plus lourd qu’une pelle sur chenille à l’achat.

Mais elle n’est pas forcément plus cher à exploiter. À entretien équivalent, sa durée de vie est la même que sa sœur à chenilles, les pneus actuels tiennent le coup si l’on en prend soin, les transmissions sont fiabilisées, Enfin, les consommations moyennes et les coûts de maintenance sont quasi équivalente. Au final, selon une source bien renseignée qui a comparé le coût d’exploitation d’une pelle sur pneus de 12 t, le tarif à l’heure utilisée avoisinerait les 1,13 € contre 0,80 €/h pour une pelle sur chenilles de même tonnage. Un écart relatif, non ?

La 0 à 8 t en forme

Concernant les midi-pelles de 6 à 12 t, 2021 confirme la tendance haussière de la catégorie avec un + 8 %, à 1 902 unités, reprenant des couleurs sans toutefois dépasser les 2 000 unités comme en 2019 ! La demande reste forte sur ce segment où les nouveautés des constructeurs ont afflué de toutes parts. Après un exercice 2020 à 1 766 midi pelles sur chenilles.

Enfin, la mini-pelle continue d’être LA véritable machine à cash du secteur. Fait surprenant, une nouvelle fois, après 2020 et ses confinements, ce ne sont pas les loueurs généralistes qui ont fait la pluie et le beau temps sur ce marché. C’est bien le réseau de distribution auprès d’un public d’entrepreneurs / artisans / locatiers et d’entreprises TP.

Le Seimat déclare pour 2021 12 200 machines entre 0 et 6 t, en augmentation de 12 %. Le record de 2019 là encore n’est pas égalé (12 531 unités). Au cumul, de 0 à 8 t, la métropole dépasse les 14 100 unités !

Analyse

Après avoir donné tous ces chiffres, quelques explications s’imposent. Déjà la comparaison 2021/2020 n’est pas forcément réaliste, puisque l’année 2020 a été impactée par deux confinements, dont le premier a carrément bouleversé l’organisation mondiale des productions avec des fermetures d’usines ou des capacité de fabrication fortement perturbées pendant plusieurs semaines.

Conséquence de ce chaos bien difficile à rattraper : on parle d’un retour à la normale d’ici 2024 ! En effet, en 2021, la quasi totalité des constructeurs ont souffert des retards de livraisons, voire purement d’annulation faute de pièces et produits disponibles. Et les constructeurs qui fabriquent hors de France se sont vu impacter l’explosion des prix du fret maritime. Ceux qui produisent en Asie ont carrément vu le prix du container multiplié par 4 ou 5. C’est ballot ! Parce que la demande, elle, était bien là, et les financements aussi. Merci les taux bas et les PGE ! À tel point que certaines marques n’avaient plus rien à livrer avant l’été.

Le syndicat Seimat vient d’annoncer un marché français des matériels de construction, terrassement, compacts, manutention, routes et béton réalisant un CA de 2,7 Mds€ en augmentation de 12,5 % (vs 2,4 Md€ en 2020). En volume il représente la vente de 54 500 unités, en croissance de 11 % (vs 49 000 unités en 2020). Pour 2022 le syndicat des importateurs de machines prévoit un marché approchant les 57 000 unités avec une timide progression de 5 %. Et beaucoup plus dynamique sur le 1er semestre (report énorme des commandes) que le deuxième.

Typologie des demandes

En premier lieu : les facturations directes, émanant principalement des loueurs généralistes nationaux. En 2021 elles restent stables. Elles étaient de 2 227 mini-pelles en 2020 et elles sont de 2 376 en 2021. Mais sur cette partie, retail, il faudrait connaître le volume de pelles qui va alimenter le parc location des distributeurs de marque comme pour Kubota et les gros loueurs régionaux. On a déjà écrit que le réseau de Kubota TP France est le troisième loueur de mini pelles en France derrière les 2 majors.

Une piste de réflexion à ne pas écarter : le parc des loueurs est devenu vieillissant. Et si leur réinvestissement devient urgent, il reste malgré tout conditionné aux capacités des usines de leurs principaux fournisseurs à fabriquer et à livrer. Certains importateurs envisagent d’ailleurs un manque à gagner record sur 2022, faute de pouvoir obtenir des machines de leurs usines malgré la demande soutenue. Et des commandes ont d’ores et déjà étaient passées sur le début 2023, du jamais vu !

Autre constat

La volonté de certains loueurs de continuer à se démarquer en investissant massivement dans les énergies alternatives, notamment sur l’électrique. Un des majors français veut par exemple offrir un parc composé à hauteur de 25 % en électrique dès 2025. Mais le marché est il prêt à répondre à ce challenge ?

Les habitudes ont souvent la vie dure. Tout le monde sait faire un plein de GNR, et combien de temps il permet de travailler. En revanche, la tenue dans le temps des batteries de ces nouveaux modèles,  n’est à ce jour pas totalement avérée. Le retour utilisateur sur les autonomies des batteries sur le long terme reste en effet à vérifier. On connait tous la problématique de l’autonomie limitée sur un téléphone portable ou un véhicule électrique, encore plus en hiver !

Tesla l’a d’ailleurs confirmé : leurs véhicules voient, à charge égale, les distances chuter quand les conditions ne sont pas idéales. Un fabricant de pelle renommé nous a confié qu’il  devait commercialiser ses premiers modèles en janvier 2022 après plusieurs années de tests. L’usine annonce finalement reporter le lancement car elle n’est pas satisfaite de la tenue des batteries après 1 500 heures de service. Quand on sait que le sourcing des batteries au niveau mondial se concentre chez un ou deux acteurs, cela fait réfléchir.

Le Seimat prévoit rapidement d’ailleurs dans ces futurs baromètres trimestriels de comptabiliser les ventes de mini pelles électriques. Encore fait-il qu’il y ait assez de volumes chez différents constructeurs pour les déclarer officiellement. Le syndicat prévoit également dès 2022 nous donner une plus grande visibilité sur la répartition des ventes de pelles de plus de 12 t, chenilles et pneus à la location. On sait que le marché évolue très rapidement vers ce type d’utilisation avec une offre qui s’est largement étoffée chez des spécialistes comme Enco, BM Rent ou encore Liebherr Location France.

Vous avez un avis ?

Kobelco annonce dépasser les 1 000 unités, avec 617 mini pelles et 417 pelles commercialisées. Et regrettant au passage n’avoir pas pu honorer la totalité de ses commandes de 2021, notamment sur ses nouvelles séries de midi pelles faisant un vrai carton sur le marché. « Nous avons connu un beau succès sur les grosses pelles, notamment nos 50 t dévoilées lors du Dig Tour, un tonnage où nous avons multiplié nos ventes par 3. Sans parler du fait que nous entrons par la grande porte en carrière » rappelle Philippe Delion, Kobelco France.

D’autres, comme Sany France, font aussi très une belle percée. En effet, le chinois annonce avoir lui aussi vendu et livré plus de 1000 pelles (dont près de 670 dans le segment des 0/6 t) en France sur 2021. À son avantage : des nouveautés en nombre, une disponibilité maximale et un réseau de distribution opérationnel.

« C’est à l’été 2020 que nous avions vraiment senti de bonnes ondes, que nous commencions à exister. Le Dig Tour a été l’occasion pour nous de faire tester une partie de notre gamme pour que le marché puisse se faire une vraie opinion sur notre offre. Avec ce chiffre symbolique et inespéré de 1 000 pelles sur chenilles nous avons la confirmation que notre stratégie et notre méthode atypique a été la bonne », avoue de son côté Nicolas Legros.

On sait aussi que Liebherr France aura réalisé une belle performance avec sa nouvelle génération de pelles G8. Le constructeur annonce, sur le tonnage 22 / 45 t (8 modèles dans la gamme), détenir 20 % de parts de marché.

Plus d’invités à la table

Comme pour le Seimat qui enregistre un nouvel adhérent en 2021 avec Weycor le 40ème pour 76 marques représentées et 80 % du marché, le gâteau 2022, aussi gros qu’il puisse être, sera mécaniquement divisé en de nombreuses petites parts. Notamment avec deux ou trois constructeurs de plus, tel le chinois Sunward qui a fait la démonstration de sa puissance sur le Dig Tour de Nantes et de Bordeaux en exposant une belle et large gamme de machines, dont des pelles compactes et lourdes. Mais aussi en version treuil à bras télescopique et des nacelles ciseaux. Son siège européen est désormais opérationnel.

D’autres « exotiques » devraient prochainement rentrer pleinement dans la course, comme Liugong, qui a déjà posé ses valises chez quelques concessionnaires bien établis, et leurs chargeuses sur pneus semblent rencontrer un franc succès, notamment dans le réseau Kobelco. Enfin, plus méconnu, mais sûrement pas pour longtemps, XCMG. Ce dernier est dans les starting blocs, et s’invite depuis peu dans la danse, en prenant position sur des grandes métropoles comme Lyon.

Le compact à couteau tiré

C’est le segment de marché le plus concurrentiel, où les acteurs sont très nombreux et où une course de fond d’est engagée en 2021 pour trouver à tout prix de la dispo. Toujours au-dessus de la mêlée, Kubota annonce avoir vendu pratiquement le même nombre de machines en 2021 qu’en 2020, facturant cette année 3 400 unités, malgré un report sur janvier 2022 de près de 200 machines, ce qui lui fait perdre, à priori, 1 point de part de marché. Sa PDM serait ainsi de 25,5 % sur le 0 à 8 t.

« Il faut reconnaître que 2021 aura encore été une bonne année. 2022 sera encore meilleur et nos prévisions à 18 mois donnent déjà 2023 comme bien orientée. L’activité est là et, sauf accident de parcours, le marché de la mini pelle restera structurellement en hausse tant les besoins mondiaux en construction sont énormes. En Europe, nous gagnons encore 1% de part de marché ! Mais cette envolée potentielle reste toutefois conditionnée à nos capacités de production, et là, on ne maîtrise pas tout ! », explique Olivier Boussion, directeur commercial de Kubota TP France.

De son côté, son challenger, Takeuchi, confirme une belle progression de ses ventes et de ses parts de marché, avec plus de 1600 machines vendues. Là encore, son responsable déplore les décalages de livraisons pour s’imposer encore plus fort. Mais il n’a pas son dernier mot. « L’ensemble du marché continuera d’être impacté en 2022 et cela pourrait même entraîner des baisses de marché », prévient Morgan Pisanu, directeur France de Takeuchi

Le malheur des uns fait toujours bien le bonheur des autres. Les retards de livraison de ces majors profiteront forcément aux challengers qui tirent leur épingle du jeu et se positionnent comme une alternative crédible en tant que fournisseur du marché français en mini pelles.

Avec ces niveaux de vente, on sait que les leaders, l’américain Cat et le Suédois Volvo, s’invitent d’emblée sur le podium. Mais reste la grande question de la troisième place sur le segment des plus de 6 t. On vous donne notre pronostic. Un troisième inédit comme Sany France ? Ou alors, un podium plus traditionnel et conforme Volvo, Cat, Liebherr, ou Kobelco ? Les paris sont ouverts.

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