En fin d’année dernière, Ritchie Bros France a partagé son expérience sur la situation critique du marché de l’occasion face à la pénurie du neuf. Un avis conforté par Valérie Heissler, Bergerat Monnoyeur, Cyril Rosso, Groupe Payant TP, Mohamed Hihi, Loxam Group et David Dahirel, Ritchie Bros.
Dès 2021, en sortie de crise sanitaire, les prix du neuf et de l’occasion ont eu tendance à grimper. Le phénomène s’accélère face à aux demandes, le besoin de renouvèlement et la crainte des délais de livraison.
A titre d’exemple, une pelle de 20 t neuve avant la crise sanitaire valait près de 165 000€. Contre 190 000 à 215 000 € aujourd’hui.
Une tendance qui s’est maintenue jusqu’au premier trimestre 2022. Au second trimestre, la demande a ralenti et les livraisons de machines neuves ont pu reprendre un niveau plus correct. Parallèlement, les taux d’intérêts grimpants (1.5 % à la fin 2021 à 3.80 % fin 2022), l’investissement freine.
Les avis
«Les utilisateurs finaux modifient leur approche du marché pour s’adapter aux délais. Ils privilégient la location ou une occasion moins chère qu’ils arriveront à amortir ou à revendre plus facilement. Le marché va changer sur 2023 et loueurs et concessionnaires vont devoir adapter leurs parcs à la demande».
David Dahirel, vice-président des ventes Europe du sud et Moyen-Orient Ritchie Bros
«La vente de certains matériels d’occasion se rapproche des prix du neuf. Cela s’explique par un déséquilibre entre l’offre et la demande. Les gammes les plus concernées sont les tombereaux rigides, chargeuses sur pneus type 966, 972, 980, 988. Le premier semestre 2023 suivra certainement cette tendance».
Valérie Heissler, responsable occasion Bergerat Monnoyeur
«Le groupe Payant comme beaucoup d’autres distributeurs doivent faire face une pénurie assez pénalisante sur certains types de matériels. Notamment les chargeuses, tombereaux, mini-pelles. On ne s’attend pas d’ailleurs à une amélioration de la situation avant 2024, ni de baisse du prix de l’occasion. Tant qu’il y a du délai et des soucis de production pour être en phase avec la demande mondiale, la tension sur les prix restera. Il y a encore des chantiers et du travail, on s’attend à ce que la demande reste importante. Il y aura peut être à une stabilisation au second trimestre 2023».
Cyril Rosso, responsable commercial occasion Groupe Payant TP
«Lors de la reprise du marché au début de l’année 2021, la plupart des usines n’ont pas eu la capacité de suivre les commandes, ce qui a conduit a de gros retards de livraison. Nous avons ainsi prolongé la durée de vie de nos machines, tout en bénéficiant de l’augmentation des prix pour les revendre. Aujourd’hui, les tendances d’investissement sont stables, je pense que cela se poursuivra en 2023».
Mohamed Hihi, Fleet Manager parc matériel Loxam group
Un marché chahuté
CO2 et consommation énergétiques sont deux préoccupations majeures impactant l’activité des constructeurs, loueurs et gestionnaires de parc. L’objectif est d’être en phase avec l’enjeu climatique actuel. Ces vingt dernières années, la réglementation a imposé une dépollution progressive des moteurs thermiques. L’investissement en R&D aura été plus qu’impactant pour les constructeurs. Aujourd’hui, la transition énergétique implique de revoir le mode d’alimentation des machines. Avec notamment l’électrique pour les machines compactes et bientôt l’hydrogène pour les plus grosses, hybride ou non.
«Chez Ritchie Bros, nos clients, entreprises de BTP, qui se positionnent sur des appels d’offre publics, sont soumis à un niveau limité d’impact carbone. Ce qui implique de modifier toute l’organisation de chantier, en commençant par la machine en elle-même mais aussi son transport. Toutes les solutions énergétiques qui permettent de consommer moins avec un impact carbone diminué sont donc les bienvenues. Reste les occasions qui aujourd’hui ne peuvent pas forcément répondre à de tels enjeux environnementaux ou énergétiques. Se posent alors les questions de savoir à quels marchés seront-elles destinées, moins exigeants ? Et quelle seconde vie pour ce type de machines ?», argumente David Dahirel
Loxam, quatrième loueur mondial, avec son parc gigantesque est directement impliqué par la question des émissions carbones et la transition énergétique. «Nous investissons dans l’électrique et dans plusieurs autres technologies pour anticiper la fin des moteurs thermiques dans quelques années. Aujourd’hui, avec l’enjeu du Green Deal, l’environnement et les contraintes légales dans un futur proche, nous sommes dans l’obligation de transformer nos équipements. Nous mettons nos fournisseurs et constructeurs en compétition pour nous proposer des solutions réalistes. Ils travaillent sur l’électrique, l’hydrogène ou encore l’hybride », témoigne Mohamed Hihi.
Les limites de l’exercice
Face à ces évolutions sectorielles majeur, se pose la problématique du manque d’infrastructures pour alimenter les machines. Certaines doivent par exemple être rechargées par de groupes électrogènes sur les chantiers, ce qui est assez antinomique par rapport à une solution zéro carbone. De l’avis de Cyril Rosso, du groupe Payant, « si nous avançons sur la voie de l’électrification des parcs, il n’y a pas d’obligation. La transition se fera massivement quand une réglementation existera, notamment pour les ZFE. Pour l’instant, le parc électrique n’est pas suffisamment nombreux pour envisager des solutions généralisées de recharge».
De son côté Valérie Heissler, responsable de l’occasion chez Bergerat Monnoyeur entrevoir beaucoup plus d’opportunités pour les petits matériels pour passer à l’électrique. « Sur Bauma, plusieurs modèles Caterpillar ont été présentés, même une pelle de 20 t. Pour les gros matériels, il est plus difficile d’envisager l’électrique car nous manquons de batteries. Il ne faut oublier que les moteurs thermiques sont de plus en plus propres, alors le tout électrique n’est pas pour tout de suite».
Être plus sexy
«Partons d’un constat simple : nos métiers ne sont pas attractifs. Ajouté à cela le vieillissement de notre pays, les jeunes générations ne seront plus assez nombreuses pour se diriger vers des métiers pénibles. Pour autant, la digitalisation pourrait favoriser l’attrait de nouveaux talents dans notre secteur. C’est à nous, managers et entreprises d’améliorer nos conditions de travail, et de savoir intégrer ce mode « start up » qui fait tant rêver les plus jeunes», reprend David Dahirel
Les machines de plus en plus technologiques seront aussi un moyen d’attirer les plus jeunes. Cela inclut des notions de confort, de sécurité et de réduction de la pénibilité des tâches. La connectivité devient le paramètre clé dans l’industrie des machines pour la construction comme ce fut le cas dans l’automobile. Bluetooth, accès internet, indicateurs d’empreinte carbone, lanceurs d’alertes en cas d’utilisation dangereuse, détecteurs pour anticiper pannes, tout est pensé pour faciliter et améliorer le travail sur chantier.
La pénurie de main d’oeuvre touche tous les postes opérationnels dans l’entreprise, techniciens en particulier. « Cette situation nous oblige à revoir nos organisations au quotidien avec la charge de travail qui s’y rattache», Cyril Rosso. Les recrutements sont de plus en plus difficiles et les exigences des salariés montent en flèche. « Toujours et encore, le problème de la valorisation des métiers dits manuels, par le manque de communication, d’informations et de reconnaissance des filières d’apprentissage », selon Valérie Heissler de Bergerat Monnoyeur.
Pour Mohamed Hihi de Loxam, il faut rapprocher le monde de l’entreprises des établissements de formation. « On est pas encore dans des métiers de haute technologies mais nos métiers se complexifient avec les technologies embarquées dans les machines notamment. Cette évolution peut être une opportunité pour nous rapprocher des jeunes et à mener une politique d’accompagnement auprès de nos collaborateurs».
Accéder au replay du webinaire :
https://www.youtube.com/watch v=0RUUuxExAUA&feature=youtu.be&ab_channel=RitchieBros.