Encore un cri d’alarme lancé par Michel Réguillon, le président des Canalisateurs du Sud-Est pour l’eau. La population doit être consciente de la rareté de la ressource et du prix à payer pour continuer d’investir massivement et développer les solutions de préservation et sécurisation de cette ressource. Plus concrètement cela veut dire prévenir les fuites (le taux de fuite est de 25%), renouveler les réseaux, favoriser les interconnexions et réutiliser les eaux usées traitées…
Avec 10 millions de m3 de Reut (Réutilisation des eaux usées traitées), soit 0,7% du volume total, la France est particulièrement en retard sur le développement de la valorisation des eaux non conventionnelles par rapport aux autres pays européens (2,4% en Europe, 8% en Italie, 14% en Espagne, 80% en Israël).
Selon Laetitia Simonot de Syntec Ingénierie, les limites actuelles à la Reut sont causées par la non acceptation des citoyens pour la réinjection de cette eau dans le réseau ainsi que par la nécessité d’investir dans des traitements qui permettraient d’atteindre une qualité d’eau suffisante pour être potable. Le plan Eau français de mars 2023 prévoit 10% de Reut avec un objectif de 1 000 projets d’ici 2027. Déjà 128 projets sont actuellement à l’étude, dont trop peu en Auvergne-Rhône-Alpes !
Le faire sans hésitation
La Reut permettra de nettoyer les bennes à ordures ménagères et d’arroser les terrains de foot (qu’un arrêté sécheresse peut rendre irrécupérable). Mais la Reut fait face à des problèmes d’acceptabilité et de lenteur, en raison du grand nombre d’acteurs qui ont parfois des lectures très différentes, souligne Thierry Kovacs, président de Vienne Condrieu Agglomération, vice-président du conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes et maire de Vienne (38). « Compte tenu du contexte climatique, du prix de l’eau et de l’énergie qui augmente, du décret tertiaire…, il faut y aller ! Pensez prospective, cherchez les subventions de l’Agence RMC, et n’attendez ni de l’Etat, ni des autres acteurs !» ajoute l’élu de Vienne Condrieu Agglomération qui, dotée de la compétence eau et Gemapi a installé, dès 2018, une centrale de production de biogaz à partir du traitement des eaux usées.
« Les SCOT et les PLUI permettent de connaitre l’état des lieux et de réfléchir par exemple à l’emplacement de l’atelier municipal qui, pour des raisons pratique d’utilisation de l’eau « Reut », devra être à proximité de la station d’épuration ! ». Le conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes lancera d’ici l’été 2024 des appels à projet pour faire des démonstrateurs finançables, sur la Reut.
Engagée dans la désimperméabilisation des voiries et des sols, la ville de Châtillon-sur-Chalaronne (01) vient d’investir dans la construction d’une nouvelle station de traitement des eaux usées (STEU) de type boues activées, avec traitement tertiaire en aval. D’une capacité de 14 500 équivalents-habitants, elle permettra de faire une économie de 5000 m3/an de prélèvement naturel, grâce à la Reut. Dotée d’un système de filtration par UV, l’eau sera de parfaite qualité mais non potable. « La Reut, c’est une somme de petites solutions Reut qui permettent d’économiser 1% de prélèvement dans la ressource par ci et 2 % par-là, pour atteindre au final les 10% d’économie du plan Eau ! » souligne Didier Jaffre, directeur des services techniques, Châtillon-sur-Chalaronne, 1er adjoint de Belleville-en-Beaujolais (69).
Des Agences de l’Eau impliquées
Alors que les élus locaux ont pris conscience des sécheresses et qu’au rythme actuel, le débit du Rhône pourrait diminuer de -10 à -40% d’ici 2050, Nicolas Alban, directeur de la délégation territoriale de Lyon de l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse rappelle le niveau de l’implication de ses services. En 2023, 250 millions d’euros ont été attribués dans le cadre du 11e plan, dont 40 millions d’euros pour accompagner les industriels à la sobriété. Jusqu’à même réfléchir à la suppression de l’eau dans leur process, en partenariat avec la Chambre de commerce et d’industrie de l’Ain et la Chambre de métiers de l’Ain.
L’Agence de l’Eau RMC a aussi soutenu des projets d’interconnexion, comme dans le Pays de Gex (01) avec le lac Léman, pour sécuriser les approvisionnements en eau potable, pour un montant de 15 millions d’euros.
Le 12e plan, qui sera adopté fin 2024, veillera à l‘équilibre entre les communes rurales et les métropoles. De concert avec les SDAGE, il apportera une réflexion macro-économique et encouragera les projets qui protègent tout particulièrement la ressource et les usages. La réforme des redevances prévue au récent plan Eau redonnera des moyens à l’Agence de l’eau, avec une indexation dorénavant basée sur la performance des systèmes et services eau et assainissement.
Ralentir l’eau de pluie
Les agriculteurs de l’Ain gèrent le pompage, le transport ainsi que l’analyse des quantités prélevées et la qualité de l’eau. Ils ont fait de la réduction des prélèvements dans le milieu naturel leur priorité. « Mais nous sommes aujourd’hui incapables de produire sans eau ! » précise Fabien Thomazet, conseiller irrigation de la Chambre d’agriculture de l’Ain, et la hausse des températures ferme la porte à certaines cultures comme le blé, qui grille… et réduit à néant tout l’arrosage…
Alors que le niveau des étangs de la Dombes baisse depuis 4 ans, la gestion par la sobriété est nécessaire mais pas suffisante. « Nous travaillons sur l’infiltration. Les études montrent qu’il n’est pas nécessaire de faire de grand stockage pour recharger les nappes et satisfaire tous les besoins. Avec le changement des régimes des pluies, le premier besoin est de gérer l’eau pluviale, de la ralentir et faire en sorte qu’elle reste dans le sol pour retarder le plus possible son évacuation » souligne le conseiller consulaire.