Coup de gueule et de désespoir. Xavier de Gata est obligé comme beaucoup d’autres, de baisser le rideau du jour au lendemain, renvoyant tous ses gars à la maison. Plus de restauration possible le midi, un climat d’angoisse générale, des fournisseurs fermant les uns après les autres, pas d’autres solutions que de suspendre les chantiers. Bien à contrecœur !
La santé et le bien être de ses hommes face à l’épidémie de Coronavirus ont eu raison de l’acharnement de l’entrepreneur du Mâconnais à poursuivre le projet d’une vie. Celui de continuer à développer ce que son père avait créé. L’entreprise familiale De Gata désormais aux mains de Xavier et de Caroline, compte 65 salariés, dépasse les 10 millions d’euros de chiffre d’affaires.
“ Je nous compare à des gladiateurs. Nous nous battons tous les jours contre vents et marées pour rester vivants. Ce qui nous a permis d’acquérir à la force du poignet cette légitimité, sans jamais s’arrêter ou flancher. Mais le couperet est tombé, sévère, sans appel face à une situation indépendante de ma volonté. Car nous n’avons rien à nous reprocher et personne ne peut le faire. Et c’est d’autant plus dur à entendre que nous avons du travail planifié jusqu’à l’été voir même après. Mais en aucun, j’hésite sur la question liée à la santé de nos salariés”, témoigne plein de détresse Xavier de Gata
Alors quoi faire ?
Tout l’enjeu aujourd’hui est de traverser la tempête sans couler. L’inquiétude est d’autant plus forte que les annonces faites par le Président ou le 1er Ministre manquent de clarté et de détermination. Les interrogations sont d’autant plus légitimes pour les professionnels du BTP qu’elles restent sans réponse ou considérées comme très éloignées des préoccupations du terrain :
- Est-il au courant que pour se rendre sur chantier, une voiture ou camionnette avec plusieurs personnes à l’intérieur est nécessaire ?
- Sait-il que sur le chantier nous pouvons éternuer dans nos gants et passer de la main à la main un outil ?
- Se rend-t-il compte que des surfaces métalliques ou en aciers, comme des élingues où encore les gardes corps sont touchés par des dizaines de personnes par jour ?
- Et que le matériel électroportatif se passe de la main à la main et non par e-mail ?
Cela laisse penser que les entrepreneurs sont plus responsables (et/ou plus réalistes) que les hommes politiques.
Une profession non crédible
Après il y a tout simplement le problème financier. Payer vos personnels et vous vous ferez rembourser après. Où sont les vraies décisions face à une situation aussi dramatique ? “ Un gouvernement responsable aurait suspendu les prélèvements obligatoires de TVA au 15 mars. Aurait annoncé la prise en charge du paiement des salaires au moins pour le mois en cours. Et il n’aurait non plus pas dire vouloir nous rembourser 15 jours après. Alors que l’on sait très bien que l’engorgement dû à l’afflux des demandes vont obligatoirement décaler à une date incertaine ces paiements », rappelle sans équivoque le Président de l’entreprise.
L’autre grosse déception mais ce n’est pas nouveau vient de la part de la FNTP et FRTP qui réagissent trop tard face à l’urgence de la situation. Et qui demandent le jour d’après le décalage des chantiers en cours. « J’aurais préféré qu’ils prennent les choses en main en anticipant avec une proposition sur la création d’un fond de solidarité en aide aux entreprises de TP les plus impactées. Mais ils restent suspendus aux décisions politiques sans vraiment mettre leur force de persuasion en œuvre pour avertir le gouvernement sur des actions dures que pourraient entreprendre les entreprises de TP ”, avertit encore Xavier de Gata.
Le vrai du faux
On en revient toujours à la même conclusion. Le nerf de la guerre étant la trésorerie, les entreprises TP resteront en mauvaise santé financière. En dehors de celles qui disposent de grands actionnaires financiers. Elles se battent entre elles pour obtenir du travail, au détriment de leurs marges.
“ Comment voulez-vous constituer une trésorerie quand vous travaillez avec 1% de marge sur les marchés publics. C’est aberrant vis–à–vis des risques d’exploitation que nous encourons sur les chantiers. Météo, pannes, maladies, inondations, blocage par des lobbies d’opposition, autant d’imprévus qui mettent à mal la gestion en bon père de famille d’une entreprise comme la nôtre. C’est pourtant notre quotidien. Nous avons ainsi eu à force de détermination à accéder à un marché d’entretien des routes départementales en groupement avec un des leaders français de la route. Mais en faisant des concessions énormes sur les prix. Ce qui est va au contraire d’une entreprise qui investit dans sa qualité, sa sécurité et ses performances”, avoue Xavier De Gata.
C’est bien le cas de son entreprise qui consacre tous les ans des investissements conséquents dans la sécurité du personnel. En plus, de mener d’une certification Mase qui devrait aboutir à l’été 2020.
Gérer l’urgence
Maintenant, comme s’en sortir ? Avec des salaires à payer, des crédits à rembourser et des partenaires financiers très peu coopératifs. Des sociétés de leasing commencent en ces périodes de trouble à réclamer l’immobilisation des matériels pour les récupérer manu militari ! Et la BPI qui intervient pour garantir des lignes de découvert bancaires alors que son rôle serait d’assurer des prêts à taux zéro.
L’Etat aussi pourrait décréter de reporter toutes impositions fiscales pour laisser le temps ensuite aux sociétés de rembourser en fonction de leur niveau de rentabilité. Sans évoquer la conjoncture actuelle et l’activité moindre pour les TP en ce début d’année dans une période pré électorale. Ce qui veut aussi dire moins de tonnes produites d’enrobé et moins de travaux et des prix encore plus tendus. “ Nous gérons en moyenne 15 chantiers, ce qui veut autant de démarche et de discussion pour assurer ce niveau d’activité avec d’âpres discussion sur les prix !”
Va t on assister comme tout le monde le dit aujourd’hui à une véritable mise en péril d’une profession toute entière. Et à qui profite le crime ? On peut se poser la question car à la sortie de cette crise sanitaire, dans quel état seront nos entreprises ? Affaiblies surement…
Faisant face toujours debout, Xavier et Caroline recherchent des solutions pour relever la tête. Comme étendre la durée de financement de ses matériels de production qui ont eu tendance à moins tourner en ce début d’année et qui sont désormais à l’arrêt. « Cela nous aidera à descendre nos charges fixes de 30 %. Mais cela suffira–t–il à sauver l’activité ? »
Alors rendez–vous dans un mois pour faire un bilan post crise sanitaire ! En attendant prenez soin de vous et de vos familles ! Bon courage à tous dans cette épreuve.